Situées au cœur des habitations, deux usines, entre autres installées dans la ville de Cotonou, indisposent les populations riveraines par les fortes odeurs qu’elles dégagent. Mais loin de s’en émouvoir, elles semblent camper confortablement sur leurs positions et ce n’est visiblement pas demain la veille d’une amélioration de la situation.

Par Mikaïla KASSOUMOU

(Cet article sorti de mon « frigo », a été publié pour la première fois en 2002 sur www.beningate.com ( Lien mort, Site fermé)

Sortie de Cotonou, à la descente du « nouveau pont », dans le quartier dit « Dédokpo », une odeur tenace saisit l’usager à la gorge. Elle est soutenue en dépit de l’ouverture relative de l’espace et de la brise qui souffle sur le pont qui enjambe le lac Nokoué à ce niveau. À l’autre sortie de Cotonou, après le pont-bascule, dans le quartier appelé Kindonou, le long de la route inter État, toujours ces odeurs exécrables. Elles semblent plus fortes ici que là – bas; un mélange de fientes de volailles et de soufre. Il faut remarquer que l’espace ici est plus fermé et la voie inter Etat ne surplombe pas la zone de pollution comme c’est le cas avec le nouveau pont de Cotonou, à l’autre sortie de Cotonou.

Pour les populations riveraines, il ne fait aucun doute ces odeurs nauséabondes, sont produites par les activités des usines de transformation agro-alimentaire installées dans les parages. L’une celle du quartier « Dédokpo », la Crustamer, est spécialisée dans le conditionnement des crevettes et l’autre, après le pont-bascule à Kindonou, la Saab, produit de la provende pour volaille.

Les témoignages sont nombreux et tous accusateurs. Pour une vendeuse des environ de l’usine de fabrication de provende, Mme A. E. « on n’arrive pas à manger surtout quand le vent

souffle fort, à cause de l’odeur fétide que dégage la Saab ». Un élève du Collège Technique « Le Désir » qui partage un mur mitoyen avec la Société confie que « l’odeur dégagée par la société envahie les salles de classe et indispose sérieusement » A Dédokpo, à la descente du nouveau pont, les témoignages sont identiques. «  Nous n’arrivons pas à respirer correctement quand l’usine est en pleines activités » témoigne, ce riverain,  M A. D. « l’eau de lavage des crevettes, dégage une odeur de charogne nuisible à la santé » soutient un autre, M. L. S. En effet, on peut observer sur le site que l’usine rejette directement dans le lac par un système de canalisation mal entretenue, les eaux usées issues du lavage des crustacés. Le mélange sur les bords du lac avec d’autres déchets de tous genres produit le résultat décrié, une odeur exécrable.

Si la trace de la pollution n’est pas visible à Kindonou, pour l’usine de fabrication de provende, le désagrément n’est pas moins effectif. Mais l’un comme l’autre les responsables des usines concernées sont unanimes pour rejeter toute responsabilité dans cette situation de pollution. M. Patrick Noyes, Directeur Général de la société Crustamer n’écarte pas l’éventualité que son usine dégage une odeur ;  mais il se défend de ce qu’elle puisse être nauséabonde et nuisible à la santé. «Une usine de transformation ne peut pas dégager comme la rose »  déclare-t-il en substance. Très serein, il dénonce le comportement des populations riveraines qui défèquent, urinent et jettent des ordures dans les environs de l’usine. Il interpelle la voirie et les autorités en charge de l’environnement face à ce qu’il considère comme la véritable source de pollution.

Même son de cloche auprès de la société de production de provende sise à Kindodnou, la Saab. Le gestionnaire M. Aristide Zanclan soutient que le gaz dégagé par son unité de production n’est pas mauvais et ne menace pas la santé des habitants de Godomey. « Nous faisons trop d’efforts pour que l’odeur ne soit pas gênante (…). Je n’ai jamais senti un malaise en travaillant ici ». M. Zanclan s’en prend aussi à l’État qui affirme – t – il péremptoire, a « sa part de responsabilité dans la situation actuelle pour n’avoir pas élaboré un plan directeur définissant clairement les zones où les usines de transformations doivent être érigées.

Que font donc les autorités face à une situation aussi préoccupante ? D’abord les deux usines mises en cause, sont régulièrement enregistrées au ministère en charge de l’Industrie et ont de ce fait l’autorisation d’exercer leurs activités dans la légalité. Elles se sont installées et ont démarré leurs activités à une période où pour la société Saab par exemple, elle n’était pas censée être en agglomération. Aussi, la Zone d’Akpakpa où est installée la société Crustamer, a été retenue comme zone industrielle dans le schéma d’urbanisme de la ville de Cotonou. Mais la surpopulation de Cotonou et le mauvais suivi de l’occupation des espaces a entraîné la prise d’assaut des zones industrielles par des habitations. Aujourd’hui usines et maisons se retrouvent dans la même sphère. Cette cohabitation ne change pas pour autant le cahier des charges environnementales des usines, s’il en existait. Il faut observer que ces usines se sont installées à des périodes où les autorités n’étaient pas très regardantes sur les questions d’évaluation d’impact environnemental.

Pour l’heure, on peut quand même exiger de la société Crustamer de reconsidérer sa solution du choix du lac Nokoué comme exutoire pour ses eaux usées. Toutefois, en attendant la délocalisation des usines vers les nouvelles zones franches industrielles prévues par l’État, tout porte à croire que les populations de Dédokpo et de Kindonou devront prendre leur mal en patience.

M.K