23 octobre 2013, 15:00

Il y a de cela quelques jours la presse électronique africaine et internationale nous a abondamment informés de la gratuité des coûts de connexion à l’Internet Via Wifi [1] à Kigali la capitale du Rwanda. J’ai bien aimé et suis admiratif de l’initiative originale rwandaise, tout comme plusieurs amis, « reseauteurs sociaux » pour la plupart, dont j’ai pu lire les appréciations positives sur facebook. Cette fascination collective face à cette innovation dans l’univers de nos représentations, dans le champ des TICs [2]  tient au fait que  l’initiative gouvernementale rwandaise est une leçon de réalisme, elle est concrète et ne s’est pas  limitée, comme c’est étonnamment le cas au « Quartier Latin »,  aux discours grandiloquents, bien écrits, bien lus et dont les propriétaires souffrent subitement d’Alzheimer ou deviennent perclus de rhumatisme une fois que les occasions de les traduire en actes concrets se présentent. A l’heure des bilans,seul le dénombrement des « éléphants blancs » livrant des chiffres croissants est possible.  Le respect de la parole donnée par le boniyayisme provoque désormais fortement l’étonnement.

Cette prouesse, cette réalisation rwandaise, m’a interpellé, a titillé ce qui reste de mon orgueil et de ma fierté, de notre fierté ; nous qui avions ambitionné d’appartenir au peloton de tête en ce qui concerne les TICs sur le vieux continent.  Que devient le quartier numérique de l’Afrique tant vanté à renfort de publicité ? L’arrivée du tout nouveau Ministre de la Communication béninois issu du tumultueux dernier mercato gouvernemental « boniyaysiste » avait suscité chez certains amis Geeks, spécialistes d’économie numérique et passionnés des TICs, l’espoir que j’ai soutenu voire relayé de voir poindre enfin un décollage du starting-block d’où les princes qui nous gouvernent pérorent, délivrent  les beaux discours qui voudraient et ambitionnaient de faire du Bénin le pôle attractif et compétitif  de l’Internet et des TICs. Tout porte à croire que  nos autorités semblent ne pas comprendre le poids des enjeux, ne pas prendre conscience du fait qu’en faisant l’option de l’inaction en  reportant aux calendes grecques la démocratisation de l’Internet, la modernisation des réseaux de l’Internet et plus généralement des télécommunications, nous nous privons volontairement des chances d’attirer des investisseurs qui n’attendent que l’amélioration significative du réseau : débit/bande passante, de l’Internet et des infrastructures des TICs pour investir massivement dans l’économie numérique.

Secouons alors le cocotier pour espérer récupérer quelques noix ! Lorsque nous cesserons de dépenser inutilement l’énergie et de l’argent des contribuables pour payer les séances de propagande des intellectuels comédiens de la troupe politico-théâtrale boniyayiste  qui tentent de nous démontrer désespérément que la révision de la constitution changera le Bénin d’un coup de bâton magique ; on pourrait revenir remarquablement dans « la course », en imitant, en accomplissant avec un geste en retard, les pays africains dont le Rwanda qui nous ont complètement largués. Alors que nous peinons à couvrir en Internet/Wifi certaines de nos Universités en 2013, à un moment où l’on veut sortir les Universités des quatre murs pour les introduire dans nos salons, l’accès au Wifi est possible dans les lieux publics de la  capitale du Rwanda,  et cerise sur le gâteau, l’accès est gratuit. Nous sommes quand même le Bénin qui a eu la chance de connaître parmi les tous premiers, l’Internet sur le continent, le luxe de bénéficier de la fibre optique même si celle-ci fut enterrée comme des tubercules d’ignames par endroits.

Je tiens à préciser que mon propos ne vise pas à opérer une classification tendancieuse et insidieuse entre le Bénin et le Rwanda, loin de là. J’ai voulu par ce détour, par cette formule, apprécier à sa juste valeur la bonne ambition et la réalisation louable de nos frères Rwandais qui se différencie notoirement de notre immobilisme réfrigérant et condamnable dans ce secteur d’activité où il y a pourtant maints emplois à créer et à prendre, de l’argent à se faire pour la caisse de l’État

L’Internet n’est plus un luxe, c’est un besoin vital pour le développement…

Pourtant la démocratisation sociale de la connexion/connectivité à l’Internet et la modernisation du réseau ne coûtent pourtant pas plus d’énergie et d’argent que ceux que notre pays mobilise et gaspille dans les vétilles qui ne suscitent pas l’adhésion, et dont les intérêts/les bénéfices n’apparaissent pas clairement aux yeux des béninois qui sont hors des cercles familiaux et d’intérêts des oligarques d’un type nouveau qui sont aux commandes.  Ces derniers se sont enfermés hermétiquement dans la cabine de pilotage du pays où ils sont curieusement assis lourdement sur les cartables cruciaux contenant les dossiers urgents à traiter tel que la modernisation, la démocratisation de la connectivité à l’Internet. La connectivité, la « démocratisation sociale » de l’accès à l’Internet n’est plus un luxe, c’est un besoin vital pour le développement. Nous qui avions eu la chance de connaître le monde avant l’Internet avions pensé que l’engouement pour ce nouveau media allait se passer de mode, avions pensé que c’est un phénomène qui allait être éphémère et réservé à quelques privilégiés.  Erreur ! Nous constatons hébétés que nous sommes partis pour rester durablement dans cette ère du numérique avec tout ce que cela induit comme transformation sociétale… Pour un « digital native [3] » qui a toujours suivi les programmes de RFI [4] sur Son PC /Ordinateur,sur son GSM [5] ou sur d’autres terminaux, la question ne se pose même pas. Il ne respire en effet que par le Net et autres gadgets numériques. Halte à la digression ! L’Internet s’est imposé et est devenu un puissant instrument de développement et de communication pour le développement. Il est d’ailleurs une grosse chance pour les pays du Sud. Je peux embrayer un autre soliloque à partir de l’assertion qui précède, mais ce n’est pas opportun ici.

Se hâter sereinement pour rallier le « Quartier numérique »

S’il est vrai que la situation des TICs dans notre pays n’est pas si alarmante que ça (On n’est pas les derniers de la classe quoi ! Lol ! ) . Il ne faudrait pas tout de même que nous dormions sur nos lauriers à un moment où l’Internet ne sert plus seulement à téléphoner (VoIP [6], ADSL [7]), à googler, « tchater »/ »clavarder »,à consulter/rédiger ses courriels/mails, à poster/ »contribuer », »liker »/Aimer sur « facebook », « twitter », donner un +1 sur google et à administrer des pages web. L’Internet est désormais au cœur de tout aujourd’hui, dans tous les domaines et secteurs de la vie y compris les plus insoupçonnés dans lesquels il a des applications innovantes et bluffantes qui nous rendent la vie délectable d’une manière ou d’une autre.

Tous ces domaines d’application de l’Internet et leurs nouveaux usages qui s’accroissent et se diversifient chaque jour, sont de plus en plus proportionnellement gourmands en débit/bande passante à raison de leur sophistication. Ils nécessitent en outre pour leur fonctionnement optimal de la mécanique moderne neuve, des boulevards numériques biens balisés, adaptés sur lesquels/dans lesquels les données pourraient circuler/rebondir correctement d’un nœud/point à l’autre.Nos « zippos » avec lesquels nous bidouillons actuellement doivent être remplacés au risque de déphaser complètement avec l’époque. Certains d’entre eux témoignent déjà incontestablement de la survivance de l’artisanat virtuel qui a cours dans le futur quartier numérique béninois en comparaison bien évidemment de l’état actuel de la technique.

Une réelle démocratisation de l’Internet ne pourrait être réalisée sans une vulgarisation de l’outil et la subvention des coûts de connexion et d’acquisition du matériel au niveau des individus. Cette action au niveau individuel devra être soutenue par la mise à disposition de la connexion et des salles informatiques dans les lieux publics, les institutions et services dont la gestion revient à l’État. Nous ne perdrons rien en créant dans chaque commune une salle dans laquelle les populations pourraient avoir accès à l’Internet subventionné, à bas coût. Il faut inévitablement investir dans l’Homme acteur de tout développement. La formation des personnes compétentes dans les domaines non exhaustifs suivants est obligatoire :

  • l’ingénierie informatique ne saurait être négligée (les plus connus « maintenanciers en informatique », des ingénieurs concepteurs de programmes informatique doivent être formés ; c’est sur ce terrain, celui du codage que les prochaines compétitions vont se faire dans les années à venir. Nous ne perdrons rien en formant des compétences dans ce domaine.) ;
  • les télécommunications (des simples techniciens qui savent poser, raccorder les fibres optiques aux ingénieurs en réseaux chevronnés) ;
  • la production de contenu Web 2.0 [8]. (Cyber-Journalistes, Intégrateurs Web [9]), Webmarketeur/Communitymanager [10],…).

Avec un peu d’ambition certes, beaucoup de volonté bien sûr, de travail ardu , des bouts de codes informatiques magiques dédiés à des applications novatrices et révolutionnaires pourraient sortir des têtes de nos compatriotes, ainsi nous pourrions finir peut être par renommer certains de nos villages : Cupertino, Redmond, Montain view ; puis bomber notre torse en proclamant que nous sommes le « quartier numérique » sans paraître ridicules pour une fois. Comme on peut le constater les défis à relever avant de prétendre concourir au Guinness des »Quartiers numériques » sont énormes mais réalisables.

Faciliter l’accès communautaire à l’Internet

Il va falloir que nous nous hâtions. En ce qui concerne la gratuité du réseau ou de la subvention des coûts de connexion par l’ État, il ne pourrait se faire lorsque le réseau se serait bien modernisé. Pour moderniser le réseau, l’État pourrait inclure dans les cahiers des charges des opérateurs GSMs) qui se partagent actuellement ce juteux gâteau de façon presque opaque, des standards,des normes à satisfaire en ce qui concerne les équipements et la qualité des services dédiés au web. Ce ne serait pas trop les demander car la plupart de ces puissantes officines de communications qui parsèment nos pays sont des filiales des puissantes officines de télécommunications européennes ou nord-américaines déguisées en entreprises sous régionales ou locales qui sont au parfum et à la pointe de la technique dans ce secteur. L’ État doit aussi chercher à mettre au clair les prix pratiqués, obtenir leur révision à la baisse afin de faciliter l’accès communautaire à l’Internet.

Il faut exiger des opérateurs GSMs qui se mettent plein les poches de moderniser le réseau en passant à un débit plus élevé. Nous devons être ambitieux comme le Sénégal qui expérimente déjà la 4G [11] dont la commercialisation à grande échelle chez les principaux opérateurs GSMs en France vient de commencer. Le Nigeria notre grand voisin, dans certaines régions de son sol national offre depuis un bon moment la 4G, plus précisément du 3,9 G (LTE [12]). Soyons ambitieux comme le Ghana avec son gigantesque projet Hope city [13]…


En finir avec les nuits noires sans connexion à l’Internet. Fiat lux !

Il ne saurait exister un réseau des TICs efficace, opérationnel et compétitif sans l’énergie électrique permanente. Une volonté politique ferme de mettre à disposition « le courant électrique » de façon constante et une fois pour toutes, doit s’affirmer nettement. J’ai apprécié à sa juste valeur l’accord, le partenariat public-privé sud-sud visant à apporter enfin la lumière éternelle d’une puissance de 200 MWatts intervenu le 10 octobre 2013 entre le Bénin et le richissime homme d’affaires nigérian Aliko Dangote, avec les génuflexions et la grosse publicité inutile et ridicule faite autour en moins.Je formule fortement le vœu que la lumière soit vraiment pour toujours et que le deuil du délestage se fasse enfin. Prions et croisons les doigts.

Que la lumière soit et que le « Quartier numérique » naisse enfin !

Par Mikaïla KASSOUMOU

La Toile d’@araignée [http://www.mikaila.info]


NOTES:

[1] WIFI :http://fr.wikipedia.org/wiki/Wi-Fi ;  Consultée le23 Octobre 2013.
[2] TIC : Technologie de l’Information et de la Communication
[3] « Digital native » : « Personne ayant grandi dans un environnement numérique comme celui des ordinateurs, de l’Internet, des téléphones mobiles et des baladeurs MP3. » Source:  Wikipedia
http://fr.wikipedia.org/wiki/Natif_num%C3%A9rique ; Consultée le 23 Octobre 2013.
[4] RFI : Radio France Internationale.
[5] GSM :  Global System for Mobile Communications.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Global_System_for_Mobile_Communications;
Consultée le 23 Octobre 2013.
[6] VoIP : Voice over InternetProtocol. Technique qui permet de communiquer par la voix sur Internet. http://fr.wikipedia.org/wiki/Voix_sur_IP ; Consultée le 23 Octobre 2013.

[7] ADSL: Asymmetric Digital Subscriber Line
http://fr.wikipedia.org/wiki/Asymmetric_Digital_Subscriber_Line Consultée le23 Octobre 2013.

[8] WEB 2.0:   http://fr.wikipedia.org/wiki/Web_2.0 Consultée le23 Octobre 2013.

[9] Integrateur Web: http://education.francetv.fr/videos/le-metier-d-integrateur-web-v106676 Consultée le23 Octobre 2013.
[10] Webmarketeur/Community manager:
http://www.metiers.Internet.gouv.fr/metier/webmarketeur Consultée le23 Octobre 2013.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gestionnaire_de_communaut%C3%A9 Consultée le23 Octobre 2013.
[11] 4G: http://fr.wikipedia.org/wiki/4GConsultée le 23 Octobre 2013.
[12] LTE (3, 9 G): Long Term Evolution
http://fr.wikipedia.org/wiki/LTE_%28r%C3%A9seaux_mobiles%29 ; Consultée le 23 Octobre 2013.
[13]: HOPE City:
http://www.rewmi.com/Hope-City-le-projet-fou-du-Ghana-devient-realite_a83607.html ; Consultée le 23 Octobre 2013.